Le Chansonnier de Bayeux – Un manuscrit de luxe pour des chansonnettes
Les pièces appartiennent à toutes sortes de genres : chansons d’amour (parfois courtois, plus souvent grivois), airs à boire, satires, chansons de femme, d’autres se rapportant à des évènements et personnages de la Guerre de Cent ans (Le Roy engloys et Hellas Ollivier Vasselin). Ne manquent que les chansons pieuses : même l’incipit Belle tres doulce mere Dieu cache en fait une suite fort leste. Un contraste poétique et musical est introduit au cœur même de certaines chansons (J’ay veu la beaulté m’amye). Certains thèmes ont navigué au gré des siècles ; ainsi le dialogue d’un père avec sa fille rebelle dans La belle se siet, déjà mis en musique à l’époque de Guillaume Dufay, deviendra notre enfantine Ne pleure pas Jeannette connue sur une toute autre mélodie. Les classes supérieures de la fin du XVe siècle savourent les multiples allusions sexuelles et les situations « populaires », représentant des mal-mariées trompant leurs maris, des buveurs, des soldats se plaignant de n’être pas payés, et même une ménagerie d’animaux bruyants (un âne dans My my). On s’amuse sans doute beaucoup de ces mises en scène de la vie rustique, véritable ou imaginaire, comme on le faisait au XIIIe siècle en écoutant certains motets et pastourelles de trouvères.