BP

Jeune, quand on regarde l’Everest,… on se dit qu’un jour on va le gravir ; il faut se préparer, mais surtout, un jour, il faut y aller…

L’Everest, c’est toute l’œuvre de Bach ; les Variations Goldberg ne dérogent pas à la règle mais en les comparant à d’autres intégrales (les Partitas ou même Le Clavier Bien tempéré), les Goldberg ne sont pas forcément plus difficiles à aborder. L’image de l’Everest pour moi, c’est le fait d’aborder une œuvres atypique, longue de plus d’une heure, sans pause et surtout, et ce n’est pas la moindre chose, le fait de connaître beaucoup d’autres interprètes qui l’ont gravi avant moi. Donc les références sont nombreuses et par conséquent la question se pose véritablement, pourquoi aborder les Goldberg aujourd’hui dans le cadre d’un enregistrement ? C’est bien là que se trouve la vraie question.

Avant d’enregistrer le recueil, j’ai beaucoup travaillé les enchaînements et le rapport des morceaux entre eux. J’ai voulu prendre le temps de réfléchir à la façon d’unir certaines pièces par un caractère similaire, non seulement par les tempi mais aussi par la registration du clavecin, comme on pourrait envisager un groupe de sonates de Scarlatti, par exemple.

Ce travail a été long et m’a poussé à une interprétation différente de celle conçue initialement. Pour garder la cohérence des blocs, j’ai décidé de jouer certaines pièces plus vite (équivalence de tempo), avec des registres de Plein Jeu (4 piieds), lesquels sont rarement entendus dans certaines variations. Les “points d’orgues” à la fin des pièces ne sont pas systématiques ; cela m’a beaucoup aidé à constituer ces blocs de pièces.

Une telle vision apporte à l’œuvre une autre respiration mais surtout, grâce au choix des tempi, elle donne une nouvelle allure à certaines pièces. 

Le choix du clavecin est la base d’une aventure discographique. Il faut à mon sens deux choses. Tout d’abord pouvoir maîtriser l’instrument choisi, c’est pour cette raison que j’ai utilisé mon propre clavecin ; j’ai enregistré le premier volume des Partitas en 2003 déjà sur ce clavecin. Ensuite, identifier ce que l’instrument choisi peut offrir à l’interprétation ; ce clavecin est un modèle flamand, copie de Ruckers, connu en Europe durant plus de deux siècles. Il s’agît d’un clavecin puissant, clair, dont les deux claviers ont des timbres différents, ce qui nous permet de mettre plus facilement en exergue le côté polyphonique des pièces à deux voix avec les mains croisées (variations 11, 14, 17, 20, 23, 26, 28). Ces pièces sont l’âme, l’exotisme même du recueil, aucune autre œuvre de Bach n’est composée de la sorte.