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Ce sont de véritables monuments qu’Olivier Messiaen a destinés à la littérature pianistique, cycles de vaste dimension, tels les Vingt Regards sur l’Enfant-Jésus ou le Catalogue d’Oiseaux ; ce sont aussi de véritables passerelles jetées entre un passé fécond incarné par un Claude Debussy et un langage nouveau auquel l’auteur des Vingt Regards s’est frotté dans les Quatre Etudes de rythme avec son célèbre Mode de valeurs et d’intensités. Œuvre considérable dans ses inventions techniques, sa symbolique et sa poésie. Œuvre où se concentrent au plus haut niveau les paramètres d’un langage qui, certes, a évolué à travers le temps mais auquel Messiaen a toujours été fidèle : diversité et richesse de l’élément rythmique, signature harmonique identifiable au premier coup d’oreille, omniprésence des couleurs et, au-delà même du Catalogue, la référence ornithologique. D’une certaine façon, la production pianistique de Messiaen, qui inclut naturellement la présence du clavier dans tant de partitions instrumentales, constitue une formidable porte d’entrée pour accéder à un univers musical si spécifique, si personnel. Et ce n’est pas sans raison que tant de jeunes pianistes s’y consacrent aujourd’hui.

Ce n’était pas le cas lorsque, sur ma proposition, Olivier Messiaen accepta de donner son nom à un concours de piano et d’en présider le jury. L’aventure débuta à Royan, en 1967, dans le cadre du festival d’art contemporain, se poursuivit fugitivement aux Rencontres de La Rochelle, fut interrompue à la demande du compositeur lorsqu’il entreprit la composition de Saint François d’Assise, son (unique) opéra qui l’occupa pendant huit années et, finalement, huit ans après sa mort, rejoignit, à la demande d’Yvonne Loriod, l’ensemble des Concours de la Ville de Paris. Petit à petit, le Concours prit une extension internationale, en accord avec la notoriété d’une œuvre qui n’aura connu aucun purgatoire…

C’est en décembre 2007 que Marie Vermeulin, qui avait effectué de brillantes études au Conservatoire National Supérieur de Lyon et avait bénéficié des conseils de Lazar Berman, obtint un magnifique Deuxième Prix au Concours Olivier Messiaen après avoir notamment exécuté les Oiseaux exotiques en compagnie de l’Ensemble Intercontemporain, sous la direction de Pierre Boulez. Mais ce n’était qu’une étape dans l’exploration d’une œuvre dont elle mesure aujourd’hui les difficultés et les richesses, encouragée en cela par Roger Muraro, incontournable héros des œuvres de Messiaen, avec lequel, en août 2012, elle interpréta les Visions de l’Amen (pour deux pianos) au festival Messiaen de la Grave. Et ce premier disque monographique, qui confirme le talent d’une jeune interprète, est également un parfait résumé du périple Messiaen : des Huit Préludes de jeunesse à ces pièces pianistiques ultimes que sont les brèves Esquisses d’oiseaux, encadrant (chronologiquement), deux des Vingt Regards les plus impressionnants. Et l’œuvre pour piano de Messiaen est telle qu’on peut guetter avec gourmandise les prochaines pierres qu’elle apportera à cet édifice