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Condisciple de Rachmaninov au Conservatoire de Moscou, où il eut comme professeurs Arenski et Taneïev, Alexandre Scriabine (1872- 1915) occupe une place totalement à part dans la musique russe. Récusant, à l’inverse de la plupart de ses compatriotes, la musique vocale et les emprunts au folklore, il écrivit exclusivement pour piano et pour orchestre. Son langage musical a suivi une évolution longue et constante, depuis les influences de Chopin et de Liszt dans sa première période, en passant par une période wagnérienne, pour aboutir à un style atonal, regardant loin en avant vers l’univers sonore du XXème siècle. Scriabine est un représentant typique du symbolisme au tournant des deux siècles ; passionné par la philosophie et les doctrines ésotériques, en particulier la théosophie, et par la synesthésie, il a recherché les rapports entre les sons et les couleurs et a élaboré un schéma de relations entre le cercle des tonalités et le spectre lumineux. Personnage fantasque, excentrique, il se considérait comme un messie de la musique et avait conçu l’idée de se faire construire aux Indes un temple où l’on jouerait un Mystère de sa composition qui devrait être l’aboutissement esthétique et spirituel de l’humanité. Sa mort prématurée à l’âge de 43 ans anéantit ce projet chimérique. Pour ou avec orchestre, Scriabine écrivit, outre un court prélude Rêverie, un concerto pour piano, trois symphonies et deux poèmes symphoniques : Poème de l’extase (1907) et Prométhée (1910). Son importante production pianistique est constituée de dix sonates et d’un grand nombre de miniatures : préludes, études, mazurkas, nocturnes, valses, poèmes, pièces diverses…

Les dix sonates de Scriabine (auxquelles il faut ajouter deux essais de jeunesse) jalonnent sa vie sur une durée de vingt ans, entre 1893 et 1913. Il est important d’observer qu’il est le premier à revenir régulièrement à cette forme pianistique qui avait connu une nette désaffection depuis la monumentale Sonate en si mineur de Liszt et les trois partitions de Brahms au début des années 1850. D’autres Russes suivront son exemple, notamment Medtner (quatorze sonates) et Prokofiev (neuf).