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Les Suites pour violoncelle seul de J.S. Bach

Architecturale et contrapuntique, la poésie mathématique et organique de Bach aura su traverser le temps au plus haut point, inspirer toutes sortes de courants et d’instrumentations. Dans ses Suites pour violoncelle seul, alors qu’il était altiste et organiste, improvisateur et compositeur déjà reconnu, dans une période de sa vie où les circonstances liturgiques de son emploi ne donnaient pas lieu à des commandes purement instrumentales, on peut supposer que le simple plaisir, la liberté personnelle, le défi d’imaginer pour un instrument monodique une musique polyphonique où les parties manquantes sont recréées par l’auditeur, ou encore la curiosité d’explorer les possibilités du violoncelle sont autant de raisons qui ont pu le pousser à les composer. Une musique qui coule comme un ruisseau, avec le naturel du rebond d’une balle et la magie géométrique d’une nature fractale, une musique qui avec Casals il y a 30 ans ne fit que commencer à embraser ma passion pour cet art. Par ailleurs, dans ces versions j’ai choisi de suivre le manuscrit si personnel d’Anna Magdalena le plus scrupuleusement possible, en guise de recherche du jaillissement brut d’une source, quelle qu’elle soit, sans artifices, et pour qu’elle soit au-delà de tout – six suites de danses pour six univers uniques, tant pour leurs caractères que pour leurs tonalités, telles six parties se complétant par un même esprit insondable de variété. Je me dis que le génie devait enivrer parfois Bach dans sa recherche de la source – Bach, cet homme qui souffrait en silence, qui vivait des tragédies régulières avec les décès dans sa famille, la rudesse de son travail acharné lui provoquant cécité, et cet espoir entretenu par l’adulation de l’Éternel et les doutes qui vont avec. La plus grande liberté possible dans la contrainte de son langage est une recherche inépuisable aux saveurs multiples et atemporelles qui ne cessent de m’émerveiller, comme si devenir regard tendait à remplacer le fait d’être action, par la force pure et simple du texte musical : tout y est.