De nos jours, il est rare qu’une approche nouvelle puisse rafraîchir notre façon d’écouter une œuvre célèbre. Lorsque cela se produit, c’est presque toujours grâce à un regard en arrière : instruments d’époque, tempéraments historiques, traités musicaux redécouverts… Fanny Vicens a fait le chemin inverse.
Elle a l’audace de jouer les Variations Goldberg sur un instrument datant de plus d’un siècle après l’écriture de l’œuvre. Son interprétation n’est cependant pas une adaptation, mais un transfert, une translittération qui est entièrement fidèle au texte. Vicens se trouve sur un chemin qui regarde dans deux directions, chacune étant le miroir de l’autre : l’œuvre agit pour révéler l’instrument, et la nature de l’instrument reflète les intentions du compositeur, qui déclare explicitement que sa partition est destinée à un clavecin à deux claviers. La spécification de Bach est liée aux fréquentes superpositions et croisements de mains de l’œuvre, et une exécution à l’accordéon, avec ses claviers stéréophoniques, permet de démontrer la réalité sonore spatialisée inhérente à l’écriture contrapuntique de Bach.