Après plus de 30 ans d’intense activité, le répertoire que notre quatuor a aimé, exploré et défendu, est particulièrement vaste. Plusieurs singularités s’y expriment, et l’une d’entre elles se trouve mise en lumière dans cet enregistrement : notre passion pour le répertoire avec voix. Les très riches histoires du quatuor à cordes, de la mélodie française et du Lied germanique sont souvent parallèles, mais curieusement ne se sont qu’extrêmement peu croisées (Schoeck, Wellesz, Schoenberg, Eisler, Hindemith, Milhaud qui ont écrit pour voix et quatuor ne sont pas les auteurs les plus demandés). Aussi nous abordons certains cycles grâce à des transcriptions que nous commandons ou que nous réalisons nous-même (Haydn, Schumann, Dvořák, Brahms, Mahler).
En réponse aux riches couleurs harmoniques de Berlioz, le quatuor à cordes de Gabriel Fauré, son intimité toute symboliste, son harmonie si finement ciselée, « sa pensée épurée jusqu’au seuil de l’abstraction et de l’évanescence » (Jean Chantavoine, Le Ménestrel, 19 juin 1925), s’est imposé.
En regard des Nuits d’été et afin de poursuivre notre singulier parcours poétique avec Jean-Paul Fouchécourt, notre cher partenaire de quintette nous a proposé la vision fauréenne du Lamento de Gautier (Fauré garde le titre original La chanson du pêcheur alors que Berlioz choisit Sur les lagunes). Pour développer ce dialogue à distance entre les deux compositeurs, nous est venue l’envie de confronter le Clair de lune de Paul Verlaine par Fauré à celui de Gautier par Berlioz (Au cimetière).
Ainsi est né Clairs de lune, album au titre plus poétique, plus onirique que musical, album très personnel de notre quatuor, un programme amoureux de la mélodie pour voix et quatuor à cordes.
Emmanuel Haratyk (altiste du Quatuor Manfred).