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Joaquín Turina et la guitare, par Rafael Andia

Joaquín Turina appartient à cette catégorie – trop clairsemée à mon avis – de musiciens déjà inscrits quelque part dans l’Histoire et qui, n’ayant pas dédaigné la guitare, ont au contraire écrit pour elle avec une certaine assiduité. À la différence de tant de compositeurs excellents par ailleurs, il « entend » la guitare. Il est même le premier à entendre ses cordes à vide, comme Kodaly fut le premier à entendre celles du violoncelle. Dans la musique de Turina, il y a aussi une adéquation entre le style et la pensée musicale d’une part et l’instrument d’autre part : on frôle là le fameux équilibre qui définit l’authentique classicisme.

Turina naît le 9 décembre 1882 à Séville. C’est un cliché de dire que « rarement un lieu de naissance aura tant de signification dans l’œuvre d’un compositeur » (José Luis Garcia Del Busto, Turina, Espasa Calpe, Madrid, 1981). Pourtant, la formation musicale et pianistique que reçoit Turina dans sa ville natale est bien loin de l’Andalousie, à l’image de ses premiers concerts : Thalberg, Weber, Beethoven, Schumann, Wagner, … Car la musique allemande est, avec l’Opéra italien, la seule musique « possible » et respectable dans le milieu bourgeois provincial en Espagne à la fin du XIXe siècle : point de musique espagnole, ni ancienne ni moderne, et encore moins andalouse. L’empreinte de Séville, si elle existe, sera scellée plutôt dans le très fort sentiment religieux qui imprègne la personnalité du compositeur. Dès l’âge de seize ans, il entre dans la Confrérie de Jésus de la Passion, l’un de ces « clubs » typiquement sévillans qui défilent dans les rues durant la Semaine Sainte – Confrérie pour laquelle il écrira plus tard de la musique. La force de ce sentiment religieux presque inné contribuera à l’équilibre qui caractérise sa vie et sa carrière, et imprègnera largement ses choix esthétiques.