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Souvenirs d’un enregistrement

Enregistrer un disque est un exercice en soi, totalement différent du concert où les musiciens sont galvanisés par la présence du public. Il importe donc de créer les bonnes conditions pour faire de la musique pour un public virtuel qui nous écoutera plus tard dans les bouchons aux heures de pointe ou au fond du lit, les écouteurs sur les oreilles.

Les conditions d’un enregistrement sont donc importantes. Nous avons choisi la cathédrale de Berne autant pour son orgue Kuhn d’esthétique allemande que pour l’atmosphère particulière de sa tribune : on s’y sent un peu chez soi comme dans son salon ; pourtant le son généreux de l’orgue nous rappelle que nous sommes dans une cathédrale.

Pour commencer un enregistrement, Il faut d’abord placer les micros qui vont déterminer où seront les « oreilles » de notre public virtuel. Pour profiter à la fois du grain des percussions et de celui de l’orgue, il a fallu déployer une forêt de micros qui se rapprochent des tuyaux et captent toute la largeur sonore de cet instrument imposant. Ainsi nous pouvions jouer Mozart, comme si nous faisions de la musique de chambre, dans un jeu où chaque détail compte. L’orgue, petite merveille de précision mécanique et sonore toute helvétique, se laissa dompter sans effort, et devint le serviteur zélé de nos élans musicaux, des plus douces caresses aux cris les plus sauvages. Même les tuyaux de la Vox Humana (registre qui imite le son de la voix humaine) se laissa accorder de bonne grâce avec les clés de l’appartement d’Elie qui nous logeait gentiment chez lui pendant notre séjour.

Chaque soir, le grand do# du 32 pieds en bois (tuyau le plus grave de l’orgue, qui mesure 10 mètres de haut) nous accueillait en haut de l’escalier qui mène à la tribune, et son regard placide et bienveillant, caché derrière ses vis centenaires, nous donnait confiance pour affronter les petites difficultés musicales qui nous attendaient.

Ainsi, deux soirs durant, nous faisions une petite musique de nuit, grâce à Mozart et Haydn, sous un nef gothique, à l’ombre d’une façade bois et or du XVIIIème siècle, environnés d’appareil derniers cris, sensibles au moindre bruissement d’aile. Un moment hors du temps, seuls avec nous-mêmes et pourtant reliés à tous ceux qui vont nous écouter un jour.

Quelques fois quand les castagnettes se déchaînaient au milieu d’une sonate pour piano, nous demandions pardon à Wolfgang Amadeus en imaginant qu’il aurait bien rigolé s’il avait été là…