O sidera

O Sidera
Ensemble Irini
Lila Hajosi, direction.

Douze Sibylles, devineresses antiques, deviennent au Moyen-Âge les pendants des Prophètes, annonçant pour certaines depuis le fond des âges (IIe-VIIe siècles) la venue d’un enfant qui deviendra le Sauveur du Monde. On comprend la fascination de la Renaissance, résolument tournée vers l’Antiquité, pour ces textes nimbés de mystère. Michelangelo lui-même les peint au plafond de la Chapelle Sixtine. Et c’est peut-être alors qu’il est à Rome comme Maître de Chapelle de St Jean de Latran que Roland de Lassus les rencontre et puise l’inspiration de ce recueil dans leurs figures aux noms déjà si oniriques et évocateurs de lointains merveilleux (Sibylla Delphica, Persica, Erythrea, Cumana, Hellespontiaca, Libyca..). Ces chants sont composés quelque part entre Rome, Anvers et Munich, pendant cette courte période de disparition (1554-1555) durant laquelle nul ne sait avec certitude ce qu’est devenu le compositeur.

Des ondulations litaniques du Cheruvikon préparant la Communion et faisant de l’assemblée des fidèles les vivantes images du chœur des anges à six ailes, aux paroles de Gabriel de l’Acathiste portant l’embryon de vie qui changera la face du Monde, à la transe flamboyante du Polyeleos, la musique byzantine fait écho à une conception orthodoxe du Mystère. Celle-ci a su conserver une humilité immense face à la tentation de la simplification et de l’explication, et donc de l’anthropomorphisation du divin. La force de la foi s’y traduit par une acceptation, un accueil de l’inconcevable, de ce qui échappe nécessairement à l’Homme, lui octroyant ainsi sa place de simple créature à la surface du monde. La liturgie est chant, jamais paroles.