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De la vérité de l’expression musicale selon Carl Philipp Emanuel Bach
Un musicien ne peut émouvoir sans être lui-même ému ; il est indispensable qu’il ressente lui-même les sentiments qu’il veut susciter chez ses auditeurs ; il doit leur faire comprendre sa propre sensibilité pour qu’ils soient plus à même de la partager. (III-13).
Cette citation est emblématique de Carl Philip Emanuel Bach ; on voit d’ailleurs à quel degré son point de vue s’oppose à celui de son contemporain Diderot, qui développe sa théorie dans le « paradoxe sur le comédien » et selon qui l’acteur doit faire ressentir au public des émotions qu’il n’éprouve pas lui-même, et base donc son art sur la distanciation. Chose impensable pour CPE Bach pour qui la sincérité est essentielle pour convaincre et émouvoir.
Alors que la musique baroque est aujourd’hui redevenue quasiment une musique populaire, qu’elle inonde le marché du disque classique et les salles de concert, il est curieux de s’apercevoir qu’elle a malgré tout du mal à s’émanciper de quelques idées reçues ; entre le concept de musique de table (que l’on suppose jouée en fond sonore pour un prince peu attentif) et celui de musique publiée à la douzaine (à l’attention des dilettantes), ou encore des opéras seria par milliers que l’on suppose victimes des codes vains de l’époque et des goûts superficiels du public, il reste aujourd’hui difficile de se persuader que les œuvres du XVIIIème siècle aient pu véritablement rechercher une profondeur d’expression. Vraiment, nul compositeur ne peut mieux bousculer cette vision erronée que Carl Philipp Emanuel Bach.