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Cage Meets Satie
S’il est un compositeur que John Cage n’a cessé d’admirer tout au long de sa carrière, c’est bien Erik Satie. Il a grandement contribué à faire connaître sa musique aux États‐Unis. La première manifestation qu’il organise se déroule au Black Mountain College (Caroline du Nord) en 1948 : vingt‐cinq concerts sont dédiés à la musique du compositeur français.
Les lieux varient : Cage joue parfois sur le piano à queue de la salle à manger et à d’autres occasions sur le piano droit de son bungalow, dont les fenêtres ouvertes permettent au public, assis sur l’herbe, d’écouter le concert. Le clou de ce festival est la représentation le 14 août 1948 de la comédie lyrique Le Piège de Méduse (1913). Souvent, le compositeur fait précéder les concerts d’une courte conférence. L’une des plus marquantes s’intitule « Defense of Satie ».
Lors de son séjour à Paris en 1949, Cage poursuit ses recherches sur la musique de Satie en étudiant ses manuscrits, dont une partie avait été déposée par Darius Milhaud au Conservatoire de Paris en 1939. Il se réjouit d’assister avec Suzanne Tézenas à un concert privé durant lequel le ténor suisse Hugues Cuénod chante Socrate. Il est aussi heureux de rencontrer Jean Mollet qui a connu le compositeur français et de rendre visite en juin 1949 à Henri Sauguet qui lui offre deux musiques d’ameublement pour petit ensemble ; c’est dans ce cadre qu’il découvre le manuscrit des Vexations pour piano solo (1892‐1893). À son grand regret, Sauguet, qui l’a promis au critique Claude Rostand, ne peut le lui donner. Il lui permet néanmoins de photographier le manuscrit et de publier la photo dans la revue Contrepoints n° 6 en 1949.
Cage s’emploiera à faire découvrir au public américain les Vexations. En septembre 1963, il organise ainsi au Pocket Theatre de New York la première audition de cette pièce durant laquelle dix pianistes (dont le compositeur) se relaient sans interruption toutes les vingt minutes, pendant dix‐huit heures et quarante minutes.
Tout au long de sa vie, Cage lui restera fidèle. Il a caractérisé son attachement en ces termes : « Peut‐être que je peux être blâmé pour mon dévouement à Satie. Mais je ne pourrai jamais y renoncer… Si mes idées sombrent dans la confusion, je dois cette confusion à l’amour. »