Cet album est l’occasion de fêter les quatre ans de l’ensemble SpiriTango, dont l’énergie est palpable dans la pièce Chin Chin de Piazzolla.
Chin Chin : Cette pièce endiablée introduit d’abord l’accordéon, la contrebasse percussive et les bruitages du violon. Puis, une grande glissade au piano et c’est parti. Vient ensuite le solo romantique de l’accordéon bientôt rejoint par le violon, la contrebasse et le piano apportant rondeur, profondeur et chaleur au duo. Les rythmes endiablés réapparaissent, la cadence de piano s’anime, avant de céder la place à de grands accords parallèles orchestraux se transmuant en une montée polytonale, laquelle s’achève en une effroyable dissonance parachevée par le geste final. Pour sa cadence, la pianiste Fanny Azzuro s’est ici inspirée de Pablo Ziegler, pianiste jazz ayant travaillé avec Piazzolla à partir de 1978.
Concierto para Quinteto : On pourrait presque le qualifier de concerto grosso, car presque tous les instruments y ont des solos. Thomas Chedal a réécrit le sien, Fanny Gallois ornemente et Fanny Azzuro, pour son dernier solo, s’inspire de la partie de guitare : autant de libertés servant toujours plus l’esprit vivant du tango.
Escualo : La cadence initiale, largement inspirée à Fanny Gallois par Sébastien Surel, révèle le violon sous un autre jour, le faisant jouer d’abord en pizzicati et l’utilisant ensuite tel un ukulele ou un banjo. Là-dessus, une musique extrêmement syncopée, sèche, mordante, répétitive et violente se met en route : s’agirait-il de l’escualo – le requin – qui se réveille ?
Kicho : Pièce éponyme, Kicho fut écrite par Piazzolla en hommage à son contrebassiste, Kicho Díaz, ayant intégré le quintette en 1960. Mais, là encore, la cadence initiale, introduite par l’appel énigmatique du piano et de l’accordéon, a été réécrite par Benoît Levesque. D’abord en pizzicati puis arco, la contrebasse évolue vers un certain lyrisme. La « percussionisation » de l’instrument agit comme un signal sonore annonçant le motorisme à suivre. Durant cette partie, le quartette fait émerger divers solos à l’écriture lyrique – on notera le très émouvant duo durant lequel violon et contrebasse s’unissent, cette dernière, utilisée dans le registre aigu, évoquant les couleurs du violoncelle.
Tangata : Il s’agit d’une œuvre extrêmement riche sur le plan des idées musicales et de leur enchaînement. Le SpiriTango n’a donc ici rajouté « que » certains éléments (ornements, glissades, bruits…), car tout est pratiquement écrit, même l’improvisation du piano.Le solo initial d’accordéon, monodique et nostalgique, accompagné par la contrebasse régulière en pizzicati, est ponctué par de douloureux grincements de violon se transformant en un contre-chant lyrique. La contrebasse joue seule en pizzicati puis le solo de piano romantique emplit l’espace sonore avant une section mouvementée. Progressivement, après le cri désespéré du violon, le duo contrebasse-violon est doucement accompagné par le piano, avant d’évoluer vers une décharge émotionnelle.
Libertango : Fondée sur un ostinato harmonique, cette musique est d’aspect cursif, nerveux et fait appel à divers effets, tels que l’utilisation de la chicharra (cigale), la percussion ou les glissades. Elle constitue une sorte de machinerie diabolique d’où émerge le thème. Cette version de Libertango renforce en partie l’identité du SpiriTango, car la part d’arrangement y est particulièrement forte. L’introduction ainsi que la fin – ajout d’un break particulièrement groovy de percussions décidé lors d’une répétition – sont extrêmement personnelles.