Aborder la Tétralogie quand on s’appelle Le Piano Ambulant et que l’on est un groupe de six musiciens, est-ce bien sérieux ? Passer de quatorze heures de musique à une heure, d’un orchestre de cent musiciens à un petit ensemble hétéroclite, se passer du chant, des costumes, des décors, de la scène… quel est ce pari fou ?
La compagnie aime les défis et l’a prouvé à maintes reprises. Nous pensons que ceux-ci engendrent des partis pris structurants, génèrent des angles de vue inédits sur les œuvres, stimulant ainsi l’esprit de création. Notre devise pourrait être cette réflexion du compositeur et transcripteur Hans Zender : “Toute écriture notée est d’abord une invitation à l’action, et non pas une description exacte de sons. Il faut l’effort créateur de l’interprète (…) pour qu’une exécution soit vraiment vivante et excitante. Quelque chose d’essentiel est alors transmis de l’interprète à l’œuvre : il devient coauteur.”
Pour transcrire cette partition titanesque qu’est Le Ring, Le Piano Ambulant a fait le choix radical de transformer largement les timbres originaux. Guitare basse et traitements sonores importés du monde des musiques électroniques apportent la puissance tellurique, l’orgue indien l’envoûtement, la formation de chambre la nature intimiste du drame wagnérien.
Entendre une œuvre dans une transcription nouvelle est un peu comme découvrir une personne proche dans un nouveau costume : on la reconnaît sans hésitation, et dans le même temps on s’étonne : “Je ne la croyais pas capable de ça !”.
Si l’opération est réussie, le regard posé gagne indubitablement en tendresse et en richesse.